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Au Brésil, l’agroécologie entre espoir et asphyxie

Updated: Jun 9, 2020


Si la crise du coronavirus a relancé la consommation locale des classes moyennes, elle a mis à mal les petits producteurs confrontés à l’agrobusiness et les populations pauvres qui ont un moindre accès à une alimentation diversifiée.


Marie Naudascher (à Sao Paulo),

  • le 09/06/2020 à 17:44

  • Lecture en 3min

Plantations industrielles de soja jusqu'aux limites de la forêt amazonienne dans l'Etat de Mato Grosso au Brésil.

MAXPP


À Barra Funda, un quartier populaire du centre de Sao Paulo, l’Armazem do Campo, une des six boutiques de la ville qui revend les produits issus du Mouvement des sans-terre (MST) à prix coûtant, ne peut accueillir que quatre clients à la fois. Mesure de précaution contre le coronavirus oblige.


« Mais les livraisons ont attiré 30 % de clients en plus », précise Ademar Ludwig, coordinateur du réseau. Cette nouvelle dynamique pour écouler la production des petits paysans a vite trouvé son public, pendant la crise, auprès de la classe moyenne, déjà habituée à consommer ces produits.


Des petits producteurs indispensables

Les commandes d’œufs, par exemple, ont augmenté de 100 % ces dernières semaines, pour atteindre 2 400 unités en avril. « Les gens achètent chez nous parce que les bénéfices vont directement aux producteurs et pas aux grandes enseignes », se félicite Ademar, qui explique que la crise conforte l’idée qu’il faut acheter près de chez soi ce qui est produit près de chez soi. « Mais il y a encore beaucoup à faire pour que les habitants des périphéries aient eux aussi accès à une alimentation sans pesticides », tempère le militant.


Dès le début de la pandémie, les ventes des 7 000 producteurs de la ceinture verte de l’État de Sao Paulo se sont effondrées de 80 %. Or, d’après l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE), ces structures familiales produisent la moitié du café et des bananes consommés dans le pays, 80 % du manioc, 69 % des ananas, et 42 % des haricots secs, aliment clé dans l’assiette des Brésiliens.


Face à cette situation inédite, les petits paysans étaient prêts à recycler leur production pour en faire de l’engrais. Un gâchis en partie évité grâce à la Fondation Banco do Brasil, qui a décidé d’investir 1 million de reais (178 000 €) pour distribuer 100 tonnes d’aliments à 5 000 familles vulnérables de Mogi das Cruzes, ville à 40 km de Sao Paolo.


Mais l’absence de politiques publiques pèse lourdement sur les petits producteurs. Le « programme d’acquisition d’aliments de l’agriculture familiale », créé en 2003 sous le premier gouvernement du président Lula dans le cadre de la politique « Faim zéro », voit ses ressources chuter régulièrement depuis 2013.


Agroécologie contre agrobusiness

Résultat : d’après l’IBGE, l’agriculture familiale, qui représente 23 % des terres cultivables, fond comme neige au soleil à mesure que s’étend le puissant agronégoce. « Au Brésil, 100 % de l’agrobusiness est subventionné, alors qu’il n’y a aucun crédit pour les exploitants familiaux. C’est David contre Goliath », se désole Ademar Ludwig.


La crise du coronavirus a également creusé un peu plus les inégalités déjà criantes. Entre mars et avril, 1,1 million d’emplois du secteur formel ont été supprimés et plus de 8 millions de personnes ont subi des réductions de salaire. « Dans ce contexte, la malnutrition augmente pour les plus pauvres, avec de plus en plus d’aliments industriels, et avec elle l’obésité, particulièrement chez les enfants », décrit Paulo Petersen, coordinateur exécutif de l’AS-PTA, une association qui soutient la transition agroécologique des petits paysans.


Avec les 600 reais (100 €) d’aide d’urgence mensuelle accordés aux plus fragiles, impossible pour ces familles de choisir une nourriture saine, constate le militant : « Cette aide ne permet que d’acheter auprès des grandes chaînes de supermarchés, alimentées par l’agronégoce, même si les produits bio ne sont pas nécessairement plus chers. »


Marie Naudascher (à Sao Paulo)


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